Pourquoi l’éventail ? Il est vrai que le mouvement, le geste qui accompagne son déploiement, le mystère qu’il peut cacher ou dévoiler est un acte esthétique en soi. Mais comment transcrire cette légèreté, cette transparence, dans la rigidité de la céramique ? Comment rendre translucide et vibrante la pâte épaisse et l’émail opaque ? Là résident la virtuosité et le talent de Lynda Abdellatif et celle de son éventail Mys-Terre.
Son histoire avec la céramique est un long parcours. Plasticienne ayant choisi la céramique comme spécialité, elle sortit major de sa promotion et fut adoubée toute jeune enseignante. Elle eut les plus grands maîtres : Kharraz lui enseigna les secrets des émaux, Aïcha Filali l’invita en résidence, Sahly l’initia à la peinture…Elle participa à l’élaboration de la fresque des Jeux méditerranéens, exposa à la municipalité de la Kasbah qui lui acheta son œuvre, s’essaya à la photo au cours d’une exposition personnelle à Stuttgart, puis revint à ses premières amours : la céramique.
«La céramique englobe toutes les formes d’art : la peinture, la sculpture… »
Évoluant entre deux ateliers, à Utique où elle fait du raku, et à Menzel Bourguiba où elle habite et où elle a installé un four, elle expose souvent, en Tunisie et à l’étranger où elle est invitée à participer à une fresque monumentale à Valence. Ceci tout en préparant son doctorat sur… «Les problématiques du noir hégémonique». Ce qui, pour quelqu’un connu pour sa virtuosité à dominer les couleurs, est tout de même contradictoire. Pas tant que cela en fait, car pour cette exposition galerie Kalyste, le blanc, antinomie du noir, se taille la part belle.
Une exposition tout en légèreté, en mouvements, en circonvolutions, en déploiements. Cet éventail qu’elle s’est donné pour thème, cet Eve en-Taille dit l’artiste qui aime les jeux de mots, est le symbole de la féminité, de la grâce. Il offre un monde d’images, vecteur de messages. «C’est une métaphore visuelle. Chaque pli renvoie à une histoire, un souvenir, un passage, une expérience. Un éventail en mouvement, c’est l’ouverture de la feuille d’un livre, d’une vie», déclare l’artiste qui se réfère souvent à Deleuze. Cette exposition sur ce thème de l’éventail est une suite, une continuité de la précédente dans le cheminement de Lynda Abdellatif. Ce n’est certainement pas la fin de ce parcours.